ARK NETWORK reference.ch · populus.ch    
 
  
NTEGA-MARANGARA-GAHUTU REMI 
 
 
Rubriques

Liens

 Home  | Livre d'Or  | Album-Photo  | Contact

Témoin en ligne

Témoignage de François Xavier Niyonzima origine du texte site de cdp 
 
21è Anniversaire des pogromes des communes Ntega et Marangara : Témoignage de François-Xavier Niyonzima 
Mis en ligne: août 16, 2009  
Dans une conférence de presse que co-animaient à Bruxelles Messieurs Anicet Niyonkuru et Sébastien Ntahongendera respectivement Président et Vice- président du Parti CDP, un intervenant a tenu à recadrer les dires d’un autre intervenant qui parlait de « génocides hutu », donc au pluriel : « je crois qu’il ne s’est pas passé plusieurs génocides hutu au Burundi ; il s’est agi d’épisodes d’un même génocide », a-t-il tenu à laisser entendre à l’auditoire.  
 
Un génocide rampant émaillé d’épisodes on ne peut plus sanglants, en effet ! Et c’est ce qui se produisit dès le 15 août 1988 dans les communes Ntega ( Province Kirundo) et Marangara (Province Ngozi), 16 ans après le plus grand massacre de l’histoire du Burundi (au moins 300.000 personnes, donc 1/10 de la population, et ce en 2 mois : mai-juin 1972). Un massacre systématique des Hutu s’y est déroulé, qui, dans la forme et dans le fond, aura été pire que ce que nous avons connu en 1972, dans ce sens que là, le bourreau ne triait pas : enfants, vieillards, malades mentaux, handicapés physiques…, tout Hutu pour ainsi dire, constituait la cible.  
 
21 ans après, personne parmi les bourreaux n’a fait l’objet de la moindre poursuite judiciaire. Au niveau de la Communauté Internationale, le seul pays à avoir au moins pris l’initiative de soumettre les bourreaux à « la psychologie de la dissuasion » se trouve être l’Allemagne. En effet, alors qu’il débarquait avec ses mains maculées de sang en tant qu’ayant commandé les opérations macabres de Ntega-Marangara, le Colonel Nengeri s’est vu refoulé quelques jours après par l’Etat allemand, alors qu’il venait y suivre une formation militaire. 
 
Dans ce genre de crimes de génocide et crimes contre l’humanité, le plus dure n’est pas tant le silence de l’opinion. Ce qui est plus grave, c’est quand ça parait normal même aux yeux des victimes et des leurs ; c’est quand personne ne veut même témoigner. C’est hélas souvent le cas au Burundi : traumatisés par les événements tragiques dont personne n’a jugé les auteurs, les rescapés adoptent souvent, si pas toujours, le profile de l’homme devenu inutile sur terre, si bien que la victime finit même, à force de ne rien revendiquer comme droits de la victime, par se contenter seulement de susciter la pitié, comme seule action à mener.  
 
Témoin oculaire et rescapé miraculeux de ce carnage où il est rapporté l’usage des armes prohibées dont le napalm, François-Xavier Niyonzima a décidé de rompre avec le silence. Dans un témoignage pour le moins horrifiant et qu’il a intitulé « Le héros », il nous fait partager les moments les plus tragiques de sa vie. Comme si vous y étiez :  
 
 
LE HEROS 
 
 
Le héros, c’est celui qui a des enfants et que la vieillesse atteint dans son humble logis (…). Puisse-je vivre de la sorte jusqu’à ce que les cheveux blanchissent sur ma tête et qu’à la manière des vieillards je me plaise à faire le récit des jours passés.  
 
Ces propos de Will Durant résument le souhait de tout burundais et surtout de ceux qui se sont vus arrachés atrocement à leur patrie dans les communes de Ntega et Marangara.  
 
Inutile de revenir sur les mobiles politiques de ce qui arriva en cette date du 15 août 1988, où, pour de simples revendications sociales, les châtiments furent contre ces innocents des plus sévères et des plus barbares. Au bas de l’échelle des supplices était l’imputation des membres. Puis venait la mort, elle-même échelonnée : les plus chanceux étaient fusillés ; les autres succombaient dans la douleur des pas cadencés de la baïonnette qui gambadaient dans leur chair.  
 
Sous d’autres cieux, ces horreurs auraient délié des langues, fait bouger des plumes, des toges, des ondes, des instruments de musiques…, brefs, tout ce qui peut faire que les survivants et les témoins, chacun dans le domaine où il se sent utile et capable, fassent revivre dans la conscience de l’humanité les actes qui nient l’humanité. Mais comme le propre de la tyrannie est de faire en sorte que personne ne se sente acteur de la vie en société mais seulement simple spectateur, Ntega-Marangara n’a fait que projeter sur le visage burundais l’esprit malsain de ses dirigeants, situation que l’on peut bien comprendre à la lumière de ces mots de l’auteur précité :  
 
Quand l’empereur sait vraiment gouverner, les poètes font librement des vers, les comédiens jouent des pièces de théâtre, les historiens racontent la vérité, les ministres donnent des conseils judicieux, les pauvres ne dissimulent pas le mécontentement que leur donnent les impôts (et les lois impopulaires), les étudiants apprennent leurs leçons à haute voix, les artisans se plaisent à leurs tâches et recherchent du travail, le public parle de tout, les vieillards se plaignent de tout. 
 
Que s’est-il passé dès le 15 août 1988 ?  
 
Tablant sur des bobards qui faisaient état d’attaques imminentes des Hutu qui viendraient du Rwanda, des militaires débarquent dans la région dès le 14 août et déclenchent un climat de panique au sein de la population. Les paysans étaient inquiets parce que pour beaucoup d’entre eux, un tel climat rappelait les événements de 1972.  
 
Les choses sérieuses commencent le matin du 15 août 1988. Nous étions à la messe de l’Assomption à la Paroisse de Murehe, Commune Marangara, quand des hommes mal habillés, épuisés par le voyage, déferlent sur la Paroisse. Ils nous informèrent que des militaires avaient semé la désolation toute la nuit durant dans la commune de Ntega en province Kirundo. Je voulus savoir avec exactitude ce qui se passait. Ce fut peine perdue ; tant les fuyards semblaient troublés, tant il y avait du monde et chacun avec sa question.  
 
Quelques instants après, incroyable ! Des coups de feu sont tirés de partout ; des déflagrations de grenades et des explosions de bombes se font entendre. Il ne fallut que quelques minutes pour que la cour de l’église se vide des fidèles. Comme je n’habitais pas loin de l’église, je fus bientôt à la maison. Ma mère, affolée par le vrombissement des armes comme elle n’en avait jamais entendu depuis l’indicible de 1972, attendait l’arrivée de tous les enfants.  
 
Le lendemain matin, un communiqué passe sur les antennes de la radio nationale, interpellant toute la population à rester à la maison. Un état de siège s’installe.  
 
Toute ma famille était là, à l’exception de mon père qui était absent depuis quelques années. 72 et ses effets directs et indirects avaient donné lieu à ce genre de cavale dans bien des familles. Les enfants jouaient en faisant moins de bruits et de mouvements ; il fallait rester vigilant ; le malheur nous guettait. Ma mère était à la cuisine et préparait un petit déjeuner consistant, et pour cause : la nuit, angoissée et presque incohérente, elle n’avait rien donné à sa nombreuse progéniture. Des militaires faisant la ronde sur la route Paroisse-Commune avaient déjà mis à mort son neveu, dans la nuit du 14 août 1988, alors qu’il partait récupérer le matériel de l’atelier de menuiserie de son père. La nouvelle se vivait en famille comme un cauchemar, pour ne pas dire « igihuha » la rumeur sans fondement ; il fallait en vérifié l’authenticité. C’était, hélas, la pure, que dis-je ? la pire vérité.  
 
Après avoir vérifié la nouvelle, moi et « Pasitori », un autre cousin, nous sommes précipités à la paroisse informer Oncle Gervais que son fils avait été tué la veille. Oncle Gervais avait passé la nuit à la paroisse ; il était de garde pour la semaine. Comme dans un demi-rêve, l’homme debout ne disait rien. Seuls les grincements de dents traduisaient ce qu’il ressentait. Son visage assombri, ses narines frêles et houleuses, ses yeux baissés, interdit, marchant en faisant dix pas devant, dix derrière, autant à gauche, autant à droite, scrutant le ciel comme pour en compter les étoiles en plein jour…, tout avait chez le quinquagénaire les marques d’un corps en dernière conversation avec son âme, qui va tantôt émigrer.  
 
Il se recroquevilla dans le silence de l’impuissance. Il n’avait que deux fils, et on venait de lui arracher celui sur lequel il comptait le plus. Ca arrive souvent dans les familles : les parents aiment tous le enfants, mais il y a souvent si pas toujours celui qu’on considère comme futur pilier de la famille.  
 
Quand il recouvre ses sens, nous empruntons un petit sentier au milieu des herbes touffues pour arriver à la maison. Chemin faisant, il nous conta la catastrophe de 1972 : 
 
Bane banje, birasubiriye ; urw’Abahutu rurageze. Mu 72, imbwa zafashwe n’ibisazi zarengeye ku bantu ziragazagura. Muri ino ntara hasigaye amarira n’amaborogo ! Akari inyuma karahinda (Mes enfants, ça recommence ; l’heure des Hutu a sonné. En 72, des « chiens enragés » ont ravagé la population, laissant derrière eux pleurs et lamentations. Le pire est à venir).  
 
Pour l’oncle, ce qui venait d’arriver n’était que le début du commencement. Il nous exhorta surtout à prier beaucoup. Au plus profond de lui-même, il sentait approcher sa dernière heure.  
 
La journée du 17 août me donna l’image de la fin du monde, dont on m’avait tant parlé à la catéchèse. Quelque chose d’insolite avait rempli l’univers de Marangara de signes de désolation. A la maison, la famille était calme et assise sur une natte. Les enfants étaient dans les bras de leurs mères, certains faisaient semblant de téter. D’autres, les plus grands, jouaient aux cartes. Les grandes personnes parlaient entre elles quand dans quelques minutes nous fûmes envahis et encerclés par une bande de douze hommes en treillis. Ces hommes étaient élancés et avaient dans leurs mains des fusils, des grenades et des machettes. Leurs habits étaient maculés de boue et de sang. On aurait cru aux bouchers. Rien qu’à les voir, la mort prenait place en vous.  
 
Les enfants ne se retinrent pas. Ils fuient désespérément vers leurs mères. Les bourreaux nous ordonnèrent de coucher à plat ventre à même le sol et de ne point bouger. Nous nous sentons vivre les dernières secondes sur cette maudite terre burundaise de ces scènes que d’autres ne vivent que dans les contes apocalyptiques. Un militaire, une machette à la main, s’approche de Majidi, une petite fille de 12 ans. D’un coup sec, il sépare sa tête du reste de son corps. Les enfants crient et se serrent de plus en plus fort contre leurs mères, qui elles-mêmes ne savent pas quoi faire, où courir, où ne pas courir ! Une natte qui était étendue là, et sur laquelle était couché le corps sans tête de Majidi, baignait dans une marre de sang. Ceux qui étaient proches en furent maculés, mais personne ne bougea.  
 
Rose, la femme de François (ce n’est pas moi ; c’est un autre parent), était enceinte. Avant de l’égorger, on la fait subir « une césarienne » pas avec un bistouri ni des anesthésies, mais avec une baïonnette, pour que des viscères de la maman agonisante sorte le fœtus. Ce foetus, on ne l’a pas épargné ; on l’a tailladé en mille morceaux. Le diable a des ambassadeurs ; l’enfer a des candidats !  
 
Le sort des femmes et des filles m’a été plus pénible à vivre : une d’elle avait voulu échapper à la tragédie. Elle se lance comme une flèche pour courir. Elle n’a même pas fait deux pas quand elle a été rattrapée. On la déshabille, on la viole à tour de rôle comme les autres qui sont parquées là, au regard de tous, avant de les envoyer au monde du silence. Et avec quelle satannerie ! Les mots me font défaut. 
 
Parenthèse : dans mille autres endroits, c’était les mêmes horreurs. Il faut imaginer l’impact psychosocial de telles scènes sur l’avenir des rescapés. Par exemple, les rescapés, par après, ont éprouvé toutes les peines du monde à pouvoir éduquer leurs enfants. Comment, en tant que parent, expliquer à votre enfant tout le mystère et l’interdit autour du sexe, lui donner des conseils en matière de conduite sexuelle, lui qui a déjà vu les gens ériger en spectacle ce que tous nous faisons dans l’intimité ? Je viens de dire que les mots me manquent ; mais disons l’indicible, pour les besoins du contexte : certains parents ont été forcés à faire des rapports sexuels avec leurs propres enfants ! Le sage avait raison :  
 
Ceux qui sont déjà morts sont plus heureux que les vivants. Celui qui n’est jamais né est encore plus heureux puisqu’il ne connaîtra pas les injustices (et les malheurs) commises sur la terre (Ecclésiastes 4 : 2,3). 
 
Revenons au récit.  
 
Jamais dans ma vie je n’avais vu pareilles atrocités, pareille animalité. Ceux qui attendaient leur tour avaient des visages plus tumulaires que ceux des morts ; une figure d’un défunt émeut moins que celle que guette la mort certaine.  
 
Un des militaires m’appela. Effrayé, je tenais à peine sur mes jambes ; je tremblotais comme sous l’effet d’un séisme de 100 de magnitude sur l’échelle de Richter. Je marche, perdu, vers cet homme, que dis-je ? vers cet ogre. Il se penche presque humblement sur moi pour demander si je connaissais où mes grands-parents gardaient leur argent. En proie à la peur, j’entends flou, disons même rien. Il baisse de nouveau sa tête, la pousse tout près de mon oreille gauche et réitère sa question. Je réponds, sans réfléchir, par l’affirmative. Il tenait à ne pas me tuer avant que je ne lui apportasse cet argent. Une fois à l’intérieur de la maison, je m’assis sous la table du salon comme pour me cacher, initiative bête comme pour tout homme en perte de la raison. J’entendais toujours, sans bouger, des hurlements lugubres. Je garde mon sang froid. Je crois comprendre que toute la famille est exterminée. Je n’y pense plus. Quand le militaire constate mon absence prolongée, il se précipite dans la maison. Il n’y trouve personne. Il cherche dans les armoires, sillonne toutes les chambres, renverse les cartons entassés ici et là… Le petit garçon avait disparu. Il en appela au concours de ses camarades qui lui suggérèrent de brûler le plafond. Selon les bourreaux, je ne pouvais qu’être là. Montant sur la même table sous laquelle je posais, il perfore le plafond en y aspergeant une pluie de balles. Car, selon lui, immanquablement je devais sortir, terrorisé par le bruit des rafales, le feu, et étouffé par la fumée.  
 
Ils ne voulaient pas quitter les lieux. Ils attendaient encore. Et moi, je les regardais attentivement, détaillant avec dégoût ces sanguinaires. J’étais fier secrètement de mon geste. Je me disais pertinemment que je devais résister aussi longtemps que possible. La flamme s’élevait de plus en plus haut, la fumée remplissait toute la maison.  
 
Mes ennemis attendaient ce moment propice pour me saisir de leurs sales mains et ainsi passer à l’action, bien sûr avant de mettre la main sur les économies de toute une vie de mes parents. Je ne pouvais pas céder au découragement. Je n’ai pas bougé de ma place et je bénéficiais du bon vent venu de l’extérieur par la porte grandement ouverte. Je respirais faiblement pour ne pas me faire entendre. Il m’a suffi de résister encore un peu de temps pour décevoir leur longue attente.  
 
Ceci parait inexplicable comme voie d’échapper à la mort. Mais que voulez-vous ? C’est ça justement le secret des survivants ; c’est ce qui fait qu’il y a possibilité d’avoir des témoignages sur les hécatombes : quand la machine du destin se met en marche et qu’elle prépare dans les secrets qui sont les siens un témoin de l’histoire, même un crocodile peut vous happer pour vous voir sortir vivant de son ventre ! Et le proverbe burundaise de dire : « Ntirumarira indavyi » (Quand la mort prend tout, il en reste pour Dieu).  
 
Après leur départ, je suis sorti. Qu’y avait-il dehors ? L’enfer sur terre ! Juste une atmosphère où rien ne bougeait, où tout était silence sauf quelques hurlements des agonisants et le bruit des vagues de sang. Il fallait s’y attendre ; le diable avait effectué un voyage dans ma famille.  
 
A un certain moment, j’avais entendu deux coups de feu qui avaient failli me faire sursauter de ma table. Sûrement, quelqu’un avait tenté de s’échapper et on l’avait suivi de balles. On retrouvera plus tard dans la bananeraie, non loin de la maison, la dépouille en décomposition de Bébé, une jeune fille dynamique de treize ans, qui, sûrement, avait choisi de mourir fusillée que de sentir le feu de la baïonnette déchirer ses viscères !  
 
Tout cela dépassait mon entendement. Je me demandais comment des hommes bien portants et non psychotiques en arrivaient à commettre des crimes pareils. Et moi qui n’avais jamais vu un cadavre humain, c’est craintivement que je me suis approché de ces cadavres et de ces corps qui gisaient encore, dont certains murmuraient péniblement : « Apporte-moi de l’eau » ; d’autres : « Emmène-moi à l’hôpital» ; d’autres : « Achève-moi ! »  
 
De leurs yeux vides, les agonisants scrutaient mon visage avec espoir et voyaient en moi le héro de leur libération. Parmi cette cohorte de moribonds, insensibles, ignorants, seuls quelques deux ou trois corps pouvaient reprendre vie. Mais il fallait les y aider, les transporter dans les sales d’urgence ! Mais dans quel hôpital d’abord, dans cette zone assiégée, où le militaire tirait sur toute âme hutu qui bougeait ? Et puis et surtout, par qui ? Je n’en avais les moyens ni physiques ni psychiques : je n’avais que quinze ans, et c’était à peine que psychologiquement je résistais devant pareilles atrocités.  
 
J’ai compris tout de suite que l’heure était de vider les lieux, laissant, non sans la mort dans l’âme, les morts à leur mort. Ici étaient couchés mes deux grands-parents, là-bas deux oncles, derrière la case plusieurs cousins, leurs enfants et leurs femmes, plus loin encore quelques voisins et amis qui, le matin, étaient venus nous réconforter et nous tenir compagnie après la mort du fils de l’oncle Gervais. On comptait une trentaine de morts rien que pour la seule famille maternelle.  
 
Maintenant que j’étais provisoirement sauvé, il fallait déguerpir. Je rejoignis, traînant le pas, la maison de ma tante maternelle Giripina qui était à deux heures de marche dans une autre commune, Vumbi-Bukuba. La route était déserte ; seuls les molosses traînant dans leurs bouches qui une jambe, qui un bras, qui un viscère…, je dis bien humains, étaient maîtres des lieux. Dans cette tâche, ils étaient épaulés par de nombreux rapaces qui épluchaient les cadavres. A la vue d’une personne, les chiens couraient derrière elle pour lui arracher les mollets. Ils ne distinguaient plus les vivants des cadavres. Et en l’espace de quelques semaines, ils étaient devenus sauvages et bien gros. Il fallut, par la suite, les exterminer pour priver les rescapés d’être non pas seulement mordus, mais purement et complètement mangés. Il fallait aussi prévenir les contagions à la rage. 
 
 
Comme il n’est ni facile ni nécessaire de conclure un témoignage, je ne peux que dire ceci : plusieurs années après Ntega- Marangara, tous les jours sont pour moi le 15 août. Et sans haine ni malveillance, je me souviendrai toujours des miens qui ont payé les frais de ce qu’ils ne connaissaient pas. Et tant que justice ne sera pas rendue, je n’ai pas de doute qu’il y aura toujours ce je ne sais quoi de ressentiment impulsif qui vous brouille les yeux du cœur et vous met devant l’indisposition quant au pardon. Car même le bon Dieu, Il ne pardonne qu’à celui qui le demande ! 
 
 
François-Xavier Niyonzima
 
------------------------------------------------- 

 

(c) ntega-marangara - Créé à l'aide de Populus.
Modifié en dernier lieu le 5.09.2009
- Déjà 10149 visites sur ce site!